La fibre optique ne fait pas rêver les opérateurs

Fibre optiqueFleur Pellerin a rappelé à l'ordre SFR sur la réalisation de ses promesses d'investissement dans le très haut débit fixe. Les opérateurs télécoms français souhaitent se recentrer sur des technologies moins coûteuses.

On sent, ces derniers temps, un flottement au sujet de la fibre optique. Les opérateurs regardent le mur d'investissement qui se dresse devant eux et se demandent si tout cela est bien raisonnable en période de crise. Maxime Lombardini, le directeur général d'Iliad, a expliqué mardi, lors du colloque annuel de l'Arcep, que le cuivre avait « encore beaucoup à donner », de même que le satellite ou même le câble. Selon lui, « l'appétit n'est pas si grand que ça » pour la fibre : « 2 milliards d'euros dans le sol pour 250.000 abonnés », a-t-il souligné. C'est peu d'abonnés, pour beaucoup d'argent.
Tous les opérateurs jurent la main sur le coeur qu'ils vont continuer à déployer le très haut débit fixe ; mais le soupçon s'installe. Mardi dans la nuit, la ministre déléguée à l'Economie numérique, Fleur Pellerin, a d'ailleurs rappelé dans un communiqué que SFR devra tenir ses engagements de déploiement. L'opérateur dépense en moyenne 150 millions d'euros par an dans le fixe. Il est le seul à s'être engagé à co-déployer avec France Télécom pour couvrir 60 % de la population. Dans les zones moyennement denses, Bouygues Telecom et Free se contentent, eux, de participer aux frais. Mais SFR, qui s'attend à une chute de 12 à 15 % de son excédent brut d'exploitation cette année, est sous pression. Son rival Free a déjà réduit la voilure dans la fibre optique. Le groupe de Xavier Niel, qui a investi 640 millions d'euros dans la fibre optique depuis 2006, va perdre cette année son statut de premier investisseur dans cette technologie, au profit d'Orange - qui va doubler son investissement à 300 millions d'euros en 2012. Il est devenu plus intéressant pour Free de louer la fibre posée par France Télécom que de creuser les tranchées soi-même.

« On se sent un peu seuls »

SFR assure n'avoir rien changé à ses plans. Chez France Télécom, on se livre toutefois à des suppositions : « Sur le terrain, on se sent un peu seuls pour déployer la fibre depuis trois ou quatre mois. » Il est vrai que l'opérateur historique a une dent contre SFR. Ce dernier n'arrête pas de ressortir le vieux projet dit « France Fibre » qu'Orange combat depuis deux ans. Pour Pierre Louette, le directeur général adjoint de France Télécom, c'est l' « ardoise magique » : on efface toutes les promesses d'investissement et on dissimule ce recul derrière la création d'un véhicule national d'investissement dans les zones non rentables.

Le PDG de SFR, Stéphane Roussel, a agacé le gouvernement en expliquant au « Figaro » mardi que « les ministres y sont tous favorables, mais [que] rien n'avance » à cause du lobbying d'Orange. Fleur Pellerin a été contrainte de publier un démenti dans son communiqué. « Les travaux du gouvernement sont en cours et la feuille de route permettant de couvrir l'intégralité du territoire en très haut débit d'ici à dix ans n'est pas arrêtée à ce jour », a-t-elle précisé.

En réalité, France Fibre a peu de chances de voir le jour. Mais les opérateurs se montrent fébriles : ils craignent que le gouvernement leur impose une nouvelle taxe pour financer la fibre optique dans les campagnes. Fleur Pellerin a expliqué que la « solidarité » serait au coeur de son action. Pas de quoi les rassurer.

Article paru dans Les Echos